Je m'étais réveillée, il y a quelques minutes, respirant l'air frais et humide de la nuit. Comparé à la chaude journée que je venais de passer, c'était véritablement un régal. Sur le dos, langue pendante, je profitait d'une brise avant de me redresser et d'aller faire un tour. J'étais bien réveillée et je n'aurais pu me rendormir tranquillement. J'hésitais sur la direction à prendre : la plage ou la forêt ? La rive ne m'intéressait pas. J'hésitais encore quand j'entendis Blou chanter la lune blanche. J'eus un sourire et partit vers la forêt qui espérait redevenir comme il y a si longtemps... D'un pas lent, je passa au pas de course. Plus pour me réveillée totalement que par motivation.

Je traversais en flèche la totalité du territoire, telle une ombre qui se savait chez elle, et j'entrai dans la forêt, à peine essoufflée. Reconnaissante, je bénis encore les capacités extraordinaires que nous avait donné Mère Nature. Ne cherchant pas à me dissimuler, je faisais du bruit que beaucoup aurait jugé inutile. Une branche morte craqua sous mon poids et cela me fit perdre l'équilibre. Il me sembla que le son de ma chute - la raison de ma chute, plutôt - résonna dans la forêt entière. En effet, 500 mètres plus loin, l'appel de Blou retentit.

Ne t'inquiète pas. Ce n'est que moi.
répondis-je, avec un ton où l'on entendait le sourire qui s'étendait sur ma face. Je me débarrassa des ronces qui avaient profité de cette disgrâce pour s'emmêler dans ma fourrure et reprit une marche rapide, avec une allure presque noble. Il ne me fallut plus que quelques secondes pour arriver à l'endroit où la demi-louve était. Je vit tout de suite qu'elle semblait avoir prévu de dormir là, vu sa position à demi-levée et eut une pensée d'excuse pour l'avoir dérangée...

[ Arrrg ! Ma grande. Nothem c'est une louve ! Edite vite avant qu'elle s'en rend compte et qu'elle boude ^^ ]

J'ignorais que les loups étaient capables de rougir mais j'en eu la preuve cette nuit. La fourrure noire de Blue devient encore plus noire - ce que je croyais impossible - et ses moustaches se tortillèrent dans tout les sens d'un air gênée. Je ne pus que sourire et lui renvoyer un coup de langue dans le creux du cou lorsque sa propre langue passa entre mes oreilles. La différence de taille entre elle et moi était vraiment... impressionnante. J'étais petite et elle, sur ses grandes pattes, avait presque avoir la taille d'un poulain maladif de poney... Enfin, j'exagérais peut-être un peu... Beaucoup, même mais bon...
Je lui lança un simple regard lorsqu'elle s'allongea à mes côtés, contente de récupérer la plus grande taille. Elle me parla d'espionnage et je lui lançai un regard de reproche, me raidissant totalement, l'échine légèrement hérissée. D'une contorsion efficace, je lécha la base de ma colonne vertébrale pour aplatir les poils dressés de colère et surtout, d'indignation. J'aimais bien Blou, avec ses airs un peu perdu et gentilles, un peu maladroite socialement et souvent têtue, mais ce que je ne supportais pas chez elle était de poser les mauvaises questions. Je ne l'espionnais pas ! J'étais d'un rang trop digne pour ces bassesses et le jour où l'on me prendra à espionner quelqu'un de ma meute, sans raison particulière autre que possibilité de traîtrise - de ma part ou du loup de ma meute -, je veux bien aller me faire domestiquer chez les plus psychopathes des humains ! Et de ma part, ce n'était pas peu dire... J'expirai un bon coup avant de prendre la parole de la voix la plus douce dont j'étais capable...

Écoute, Blou. Dire à à la lieutenante de ta meute si elle t'espionnait n'est pas quelque chose que je tolérerais à chaque fois. Je prendrais cette phrase comme de l'humour et passerais outre.
Ma voix douce était si formelle qu'elle en devenait presque blessante surtout si je jugeais que les sentiments de Blou à mon égard était bien plus élevée qu'une relation entre deux loups de meute aux grades différents. Je pensais qu'elle me prenait pour une sorte de meilleure amie et je savais que cet air, qui cachait mon indignation avec succès, lui devait être blessant. J'esquissa un sourire, qui ressembla plus à un rictus, avant de reprendre d'une voix plus chaleureuse.
Tu n'arrivais pas à dormir ?

Maintenant, j'en suis sûre, elle attirent les humains ! Rencontré Yumi dans un cimetière lugubre passe encore puisque cette jeune humaine m'étais sympathique... Mais des hommes en pleine nuit et armé en plus, qu'est-ce que ça fichait ici, nom d'un loup ! Bien décidée à ne pas me faire avoir par ces hommes que je n'arrivais pas à sentir - je pensais que Blou les sentait plus vite et de plus loin à cause de son passé - j'activai mes deux pouvoirs. Aussi inodore que silencieuse, je m'élança, rattrapant Blou qui s'était déjà lâchement enfuie. Si on était plus nombreux, j'aurais commandé qu'on les encercle, et qu'on les punisse de cette intrusion. Leurs armes auraient été neutralisées et ils auraient subit une réprimande. Mais bon, avec cette Blou affolée, pas moyen de faire grand chose à par préparer un rapport des lieux à Lürinjmi. A moitié dans mes pensées, à moitié en train de courir d'un air automatique, le hurlement où perçait la douleur de Blou me fit arrêter. Je lui lança un regard, observa le piège qui n'était pas - heureusement - un piège avec des dents mais simplement des pièces de métal qui lui serrait la patte. La raison du saignement, par contre, était inconnu. Elle chercha à me faire partir, je gronda légèrement en signe de dénégation et renifla légèrement le métal froid. Cherchant dans ma mémoire une quelconque information, je me souviens brillamment d'une histoire d'un ancien qui racontait qu'il fallait mettre une pression suffisante sur une sorte de bâton en métal. Je regardais un peu, le trouva et mit toute le poids de ma patte dessus. Il s'ouvrit un peu, et je poussa Blou de l'épaule pour qu'elle se dégage.

Bien. On va faire demi-tour et les éloigner le plus possible des autres loups. Dès qu'on les jugera assez loin, on fera une manœuvre pour enlever leur arme et les prévenir de partir...
dis-je simplement avant de m'élancer par là d'où on venait. Je n'avais rien demandé à Blou à propos de sa blessure mais je savais qu'un boitement léger était probable.

Ok ! En fait, elle n'attirait pas les humains, c'était juste son maître qui la pistait. Mouais, c'était pareil en fait, surtout si - comme le disait Blou - il capturait des loups pour les faire combattre contre des moins-que-loups. Des chiens, comme si les loups - une race si noble - pouvait se battre contre ces créatures ? En tout cas, jamais je m'abaisserais à combattre un chien, plutôt mourir que de devoir attaquer un chien par la force humaine. Les chiens, à l'estomac rempli de croquettes fades, et au regard meurtrier n'étaient tous que des violents qui ne connaissaient pas la faim ou la nécessité de s'entraider.
Alors, déjà que les chiens n'étaient pas très souvent intelligents, savoir qu'un humain osait les faire combattre pour leur plaisir malsain me révoltait. Les chiens étaient peut-être des chiens mais c'étaient tout de même de la famille. Très très très éloignée, certes mais cousin quand même. J'eus soudain l'envie de leur faire vivre un cauchemar. Doucement, je m'approcha, le regard montrant bien une fierté incroyable et je croisa le regard de l'humain. L'échange de regard inter race est quand même quelque chose de beau : le regard bleu/vert/gris de l'humain se plongeant dans des yeux jaunes/ambres/bruns du loup et pendant une fraction de seconde un respect mutuel, basé sur des préjugés. Mais tout cela ne dure pas une seconde et, déjà, l'humain était parti dans mon étrange pouvoir d'illusion.

Il y avait moi et lui, personne d'autre. Et pourtant, nous étions au même endroit, nous n'avons pas bougé. Mon regard était toujours fixé sur le sien et j'avais un air solennel collé au visage. Le vent secoua les feuilles et l'herbe se mouva comme un océan...

Bonjour. Je suis Nohtem Drynia, amie de Blou, bras droit de Lürinjmi, chef de meute du même nom. Vous êtes ici sur nos terres et je vous prierais de vous en aller, si vous ne voulez pas connaître la mort plus tôt que prévue.
ais-je dit dans ce rêve éveillé avant de cligner des yeux et de revenir à la réalité. La scène n'avait duré qu'une seconde et Blou, grondant et claquant les dents d'un air menaçant, n'avait rien remarqué. L'humain semblait béat, un peu perdu et moi, avec un sourire de loup au visage, j'avais sûrement l'air d'une apprentie psychopathie. L'homme fit un pas en arrière en titubant, marmonnant quelques borborygmes sans sens avant de hausser les épaules et de parler de la véracité d'une superstition. Il fit demi-tour et s'en alla. J'eus un rire moqueur avant de lancer un regard à Blou.

Arrête, ils sont partis. Et je ne crois pas qu'ils oseront remettre les pieds dans cette forêt. Comment va ta patte ?
lui demandais-je gentiment.

Soulagée d'entendre qu'elle ne croyait pas avoir quelque chose de casser, je m'assit avec un soupir fatiguée et calme. La nuit n'était jamais faites pour courir et pour aller au devant des humains, c'était fatiguant et stressant aussi. De la position assise, je passa en position de sphinx, le regard braqué dans la sombre forêt. L'air était encore empli de l'odeur des étrangers mais cela ne me dérangeait pas plus que ça, j'étais fatiguée, et sûrement trop pour avoir envie de marcher plus longtemps. J'avais à peine entendu les paroles d'excuses à propos de l'espionnage car ses paroles furent avalées par le tonnerre qui me fit redresser d'un air méfiant et vif. Je leva les yeux vers la lune qui avait disparu derrière de gros nuages. Soupirant, je lançai un regard de Blou qui partait s'abriter dans une grotte un peu plus loin et j'allai la rejoindre d'un pas silencieux. Maintenant que j'y faisait attention, il est vrai que l'odeur de chaude humidité de l'orage suintait dans l'air. Arrivée dans la grotte, j'allai m'installer au milieu de la grotte et m'y coucha aussi tôt. Je regarda Blou, installée elle aussi au sec et j'eus un sourire.

Je te l'ai déjà dit : je passe outre cette fois. Ce n'est pas ta faute, de toute façon...
A propos de l'humain, il ne viendra sûrement plus jamais dans la forêt déchue, car je pense qu'il a bien compris que c'était nos terres et que venir armé ici était une chose très peu recommandable. Je préviendrais le plus tôt possible Lürinjmi que des hommes sont venus avec l'intention de te récupérer ou de prendre un membre de la meute. Tu es donc en sécurité dans cette forêt mais ce ne sera pas une raison de te terrer ici comme un lapin.
Sinon, je pense qu'il faudrait mieux dormir. Tu as sûrement due être bouleversée par cette prise de conscience de traque et les émotions trop fortes n'ont jamais été idéales pour être en forme. Si tu as besoin de parler, je suis là.
dis-je simplement, ma voix se radoucissant au fur et à mesure. Dès lors que j'eus finis, je m'installa en boule, et ferma les yeux. Je ne dormais pas car l'orage me tenait éveillée mais rester dans cette position était la meilleure chose à faire si je voulais être le maximum reposée...

Pas moyen de dormir. Et les mouvements perpétuels de Blou n'aidaient pas la chose. Pendant une heure, je fus au calme total - si l'on ne prenait pas en compte le vent et le tonnerre - qu'il en était presque angoissant mais je me refusais d'ouvrir les yeux et de regarder ce qu'il se passait. Si Blou était sortie, ce n'était pas de ma faute. Je n'allais pas me sentir coupable pour tout ses faits et gestes, tout de même !
Quand je l'entendis revenir, j'entrouvris un œil, regardant ce qu'elle traînait. A peine eus-je identifiée le paquet de viande, que j'avais ouvert grand mes yeux bruns sous la surprise. Un cerf ! Elle avait ramené un cerf ! Alors que cet animal - lorsqu'il était jeune et fort - demandait au minimum cinq loups pour le tuer. Ce devait être un jeune, ou un vieux, qui était déboussolée par l'orage. Il ne l'a pas sentit venir et il est mort par surprise. Oui, ce n'était pas possible autrement.

J'étais étonnée, presque choquée, qu'une louve - aussi grande soit-elle - aussi jeune puisse tuer un cerf à elle-seule. J'ignorais cet acte possible et je pensais - avec justesse - que je devrais montrer plus de respect envers cette furie de la chasse qu'était Blou. Pour l'instant, celle-ci était silencieuse, veillant sur moi qu'elle croyait profondément endormie.

L'orage partit, comme chasser par le soleil naissant et les premiers rayons rentrèrent dans la grotte, chauffant agréablement mon corps raide de cette nuit silencieuse et horrible. Prenant mon temps, je me releva dans un long bâillement. Je m'étira soigneusement avec un plaisir évident de voir le tonnerre partit jusqu'au prochain orage. je lançai un regard vers Blou avant de me diriger vers ce cerf qu'elle n'avait pas entamé. Hum, elle apprenait vite, mine de rien, à connaître et reconnaître la hiérarchie clanique.

Bonjour. Bien dormi ?
lui demandais-je, le ton ironique, avant d'entamer le ventre de la bête d'un air gourmand.