Sytatia guettait. Assise dans une immobilité parfaite sur un gros rocher à la frontière du territoire, elle ne bougeait pas d'une oreille. Elle avait l'air fier de celle qui ne se cache absolument pas. Ses seuls mouvements étaient sa respiration et le tic qui agitait sa babine.
Sa fourrure était tout entière tachée du sang de sa dernière proie, un jeune sanglier qu'elle aurait volontiers dévoré seule si son instinct de meute ne l'avait pas poussé à le partager avec ses subordonnés.
La louve ne s'était pas lavée depuis. Elle préférait l'air effrayant que lui donnait les taches de sang à l'immaculé blanc de sa fourrure.
Sytatia était donc partit contrôler l’extrême nord du domaine Töhimite.
La frontière avec les territoires libres faisait qu'il y avait souvent des incursions, parfois involontaires, mais qui devaient être réprimées. Et quand c'était Sytatia qui réprimait, c'était souvent sanglant, voir fatal.
La louve blanche c'était donc juchée sur ce gros bout de roc et scrutait droit devant elle. Ce n'était pas parce que son regard ne balayait pas les environs qu'elle était aussi inattentive qu'elle en avait l'air. Ses oreilles étaient à l’affût du moindre bruit et sa truffe frétillait alors qu'elle humait le vent.
Enfin la brise lui porta ce qu'elle attendait: l'effluve d'un étranger. Ou plutôt d'une étrangère.
Sytatia se leva d'un bloc, la gueule à moitié ouverte sur ses crocs jaunis par le sang de nombreuses victimes. Elle étira ses longues pattes et sauta à bas de son perchoir pour se jeter sur la piste de l'étrangère. Le combat, le sang, la mort! Enfin!
Au bout de quelques minutes de course effrénée, elle aperçu la louve grise qu'elle pistait. Cette dernière lui tournait le dos.
La grande bête blanche se ramassa sur elle même. Son poil se hérissait et ses babines se retroussaient sur un rictus effrayant.
Elle prit son envol dans un grondement de tonnerre et se jeta sur l'intruse de tout son poids.